Accueillir le « courant de grâce » du renouveau charismatique
Cinquième prédication du Père Raniero Cantalamessa
Le P. Cantalamessa encourage les chrétiens à accueillir le « courant de grâce » du renouveau charismatique : « Il s’agit de s’ouvrir à l’action de l’Esprit, quelles que soient les conditions de vie dans lesquelles on se trouve… L’important est de ne pas rester en dehors de ce courant…, de voir en lui une initiative de Dieu et une chance pour l’Église, et non une menace ou une infiltration étrangères au sein du catholicisme. »
Le P. Raniero Cantalamessa, capucin, prédicateur de la Maison pontificale, a prononcé sa cinquième prédication de carême sur le thème « Orient et Occident face au mystère du salut », ce vendredi 27 mars 2015, dans la chapelle Redemptoris Mater du Vatican, en présence du pape et de la Curie romaine.
Pour mieux comprendre le salut chrétien, le monde latin devrait « avoir davantage le regard pointé vers l’Orient pour enrichir et, d’une certaine façon, corriger [sa] manière de concevoir la rédemption opérée par le Christ », a-t-il estimé d’emblée en introduisant son propos.
Citant le Dictionnaire de Spiritualité de G. Bardy, il a expliqué la différence de conception du salut en Orient et en Occident : « Le but de la vie visé par les chrétiens grecs demeure la divinisation. Celui que poursuivent les chrétiens d’Occident est l’acquisition de la sainteté […]. Le Verbe s’est fait chair, selon les grecs, afin de rendre à l’homme la ressemblance avec Dieu que lui avait fait perdre la faute d’Adam et afin de le diviniser. Selon les latins, il s’est fait homme pour racheter l’humanité […]… une dette acquittée à l’égard de la justice de Dieu ».
« Si la doctrine orientale, avec sa très haute idée de la grandeur et de la dignité de l’homme à l’image de Dieu, a mis en lumière la possibilité de l’incarnation, la doctrine occidentale, en insistant sur le péché et sur la misère de l’homme, a mis en lumière sa nécessité », a-t-il constaté.
Blaise Pascal soulignait en ce sens : « La connaissance de Dieu sans sa misère fait l’orgueil. La connaissance de notre misère sans celle de Dieu fait le désespoir. La connaissance de Jésus-Christ fait le milieu, parce que nous y trouvons et Dieu et notre misère. »
Mais il y a pourtant une « lacune » dans la sotériologie occidentale, qui aurait besoin « de regarder vers l’Orient », a ajouté le P. Cantalamessa : cette lacune se tient « dans le fait que, de cette façon la grâce, même si hautement exaltée, a pratiquement fini par se réduire à sa seule dimension négative de remède au péché. Le cri audacieux de l’Exultet pascal aussi: le « O heureuse faute qui nous a mérité un tel et un si grand Rédempteur ! », on le voit bien, ne sort pas de la perspective de péché et de rédemption. »
« C’est sur ce point précisément, grâce à Dieu, que nous assistons depuis longtemps à un changement que nous pourrions dire historique », a-t-il poursuivi : « Toutes les Églises d’Occident, ou nées de ces Églises, depuis plus d’un siècle, sont traversées par un courant de grâce qui est le mouvement pentecôtiste et les divers renouveaux charismatiques qui en dérivent dans les Églises traditionnelles. »
Le prédicateur y a vu « un courant de grâce qui devrait se répandre dans toute l’Église et se disperser en elle comme une décharge électrique dans la masse ». Il a cité le bienheureux Paul VI définissant le renouveau charismatique comme « une chance pour l’Église et pour le monde » en recevant les responsables le 19 mai 1975.
Cette « chance pour l’Église catholique et les Églises nées de la Réforme » leur permet en effet « de remonter la pente et de rendre au salut chrétien le riche et exaltant contenu positif, résumé dans le don de l’Esprit Saint. La vie chrétienne retrouve son but principal qui est, comme disait saint Séraphin de Sarov, « l’acquisition du Saint-Esprit de Dieu » ».
« Je ne dis pas que parmi les personnes qui se reconnaissent dans ce « courant de grâce », tous vivent ces caractéristiques, mais je sais par expérience que tous, voire les plus simples, savent de quoi il s’agit et aspirent à les réaliser dans leur vie », a-t-il précisé.
Le P. Cantalamessa a fait observer : « Même l’image qu’on donne de la vie chrétienne est différente : il s’agit d’un christianisme joyeux, contagieux, qui n’a rien du sombre pessimisme que Nietzsche lui reprochait. Le péché n’est absolument pas banalisé car un des premiers effets de la venue du Paraclet dans le cœur de l’homme est « de le convaincre de péché » (cf. Jn 16,8). »
En conclusion, il a encouragé à accueillir ce courant de grâce : « Il ne s’agit pas d’adhérer à ce « mouvement » – ou à aucun mouvement -, mais de s’ouvrir à l’action de l’Esprit, quelles que soient les conditions de vie dans lesquelles on se trouve. Personne n’a le monopole du Saint-Esprit, encore moins du mouvement pentecôtiste et charismatique. L’important est de ne pas rester en dehors du courant de grâce qui traverse, sous différentes formes, toute la chrétienté; de voir en lui une initiative de Dieu et une chance pour l’Église, et non une menace ou une infiltration étrangères au sein du catholicisme. »
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