LA FOI POUR ETRE SAUVE

La foi serait-elle la condition pour recevoir les dons de Dieu ? S’il en était ainsi, ma vie, mon bonheur, mon salut dépendraient en fin de compte de moi-même. Ce qui déciderait de tout, ce serait mon acceptation ou mon refus. Cette idée ne correspond pas à ce que la Bible entend par la foi. La foi n’est pas un moyen dont on se sert pour obtenir quelque chose. Elle est une réalité bien plus humble, une simple confiance toujours étonnée : sans que j’ai rempli aucune condition, Dieu me rétablit dans son amitié.
La foi est presque rien, à peine discernable « petite comme un grain de moutarde » dit Jésus (Luc 17,6). En même temps, elle est « plus précieuse que l’or » (1 Pierre 1,7), « très sainte » (Jude 20), « Avec l’espérance et la charité, elle demeure à jamais»(1 Corinthiens 13,13). La foi n’est pas un billet d’entrée pour le royaume de Dieu. Dans la foi elle-même, Dieu est présent. Qui croit et fait confiance à l’évangile est déjà uni à Dieu.
Avant la venue du Christ, la foi n’était pas l’attitude habituelle pour s’attacher à Dieu. Il y eut des croyants exceptionnels comme Abraham, et, au moment décisif de la traversée de la Mer Rouge, « le peuple crut dans le Seigneur et en Moïse son serviteur » (Exode 14,31). Mais, dans le quotidien, la fidélité comptait plus que la foi. La communauté de la première alliance n’était pas formée par « les croyants », mais par « les humbles », « les justes », « les saints » (Psaume 34). C’est avec l’évangile du Christ que la foi, d’exceptionnelle qu’elle était, devient normale, au point que les disciples de Jésus peuvent s’appeler tout simplement « les croyants » (Actes 2,44).

Que faire quand je ne peux pas croire ?
Le Nouveau Testament parle presque autant du doute que de la foi. Les apôtres n’étaient pas trop surpris par la difficulté de croire, car ils la savaient prédite par les prophètes. Paul et Jean citent la parole d’Isaïe : « Seigneur, qui a cru à notre message ? » (Jean 12,38 et Romains 10,16). Jean ajoute : « Aussi bien ne pouvaient-ils croire, car Isaïe a dit encore : Il a aveuglé leurs yeux et il a endurci leur cœur, pour que leurs yeux ne voient pas, que leur cœur ne comprenne pas » (Jean 12,39-40). Chacun des quatre évangiles fait référence à ce passage d’Isaïe 6. La foi ne va pas de soi.
Le Christ n’a pas cherché à susciter l’adhésion par la persuasion, car la foi a une profondeur qui dépasse l’intelligence et les émotions. Elle s’enracine dans ces profondeurs où « l’abîme appelle l’abîme » (Psaume 42,7), là où l’abîme de notre condition humaine touche à l’abîme de Dieu. « Nul ne peut venir à moi si le Père qui m’a envoyé ne l’attire » (Jean 6,44). La foi naît inséparablement de l’agir de Dieu et du vouloir humain. Personne ne croit contre son gré. Personne, non plus, ne croit sans que Dieu lui donne de croire.
Si la foi est un don de Dieu et que tous ne croient pas, serait-ce que Dieu écarte certains ? Dans le passage où Jean cite Isaïe sur l’impossibilité de croire, il transmet aussi une parole d’espérance de Jésus : « Et moi, quand j’aurai été élevé de la terre, j’attirerai tous les hommes à moi » (Jean 12,31). Elevé sur la croix et élevé dans la gloire de Dieu, le Christ « attire » comme le Père « attire ». La foi n’est pas une performance. Elle vient inopinément, nul ne sait comment. Elle est une confiance qui s’étonne d’elle-même.
Lettre de Frère François, oraweb.net