FAIS BIEN ATTENTION DE NE RIEN DIRE A PERSONNE 

Le véritable sens de Marc 1,44

 Jésus demande souvent aux malades qu’il guérit et à ses disciples de ne rien dire de ses miracles ni de son identité. Pour quelle raison ?

Neuf fois au cours de l’évangile de Marc, Jésus impose le silence à ceux qui proclament son identité ou s’émerveillent devant ses miracles. Mais certains lui désobéissent et répandent la nouvelle des guérisons obtenues. Aussi, la renommée de Jésus grandit dès les premiers chapitres de l’évangile. Quelle est la raison de ces injonctions au silence, alors que Jésus lui-même affirme que « rien n’a été caché qui ne doive venir au grand jour » (Marc 4,22) ? Si le narrateur ne la donne pas explicitement, c’est par stratégie narrative, pour laisser le lecteur découvrir l’évolution de cette série de consignes au fur et à mesure que le récit progresse.

Ces demandes de silence concernent d’abord les démons (Marc 1, 25 ; 1, 34 ; 3,12), puis les personnes guéries ou leur entourage (1, 44 ; 5,43 : 7,36 ; 8,26), enfin les disciples (8, 30 et 9, 9). Ce classement met en évidence une progression : les injonctions adressées aux esprits impurs (ou démons) soulignent la question de l’identité de Jésus ; après les guérisons, elles indiquent son refus d’associer son identité à son pouvoir de guérisseur. Enfin, le silence qu’il demande aux disciples a pour but de les aider à comprendre sa réelle identité.

Jésus ne guérit pas pour attirer les foules

Les premières injonctions s’adressent aux démons qui voudraient que les foules acclament Jésus et le poussent vers un messianisme triomphant qui l’empêcherait d’aller au bout de sa mission. Au chapitre 1, à l’esprit impur qui lui dit : « Je sais qui tu es : le Saint de Dieu », Jésus répond : « Tais-toi et sors de cet homme. » Les injonctions suivantes concernant les guérisons montrent la volonté répétée de Jésus de fuir la publicité et l’attirance des foules qui lui désobéissent et accourent vers lui. Au lépreux qu’il vient de guérir, Jésus dit : « Garde-toi de rien dire à personne, mais va te montrer au prêtre » (1, 44). Malheureusement, le lépreux néglige de tenir sa langue, au point que Jésus est obligé de se cacher à l’extérieur des villes. Aux parents de la jeune fille qu’il a relevée (« Talitha qoum ») alors qu’on la croyait morte, il fait « de vives recommandations pour que personne ne le sache » (5, 43)… La répétition de ce scénario souligne deux points. La discrétion est une des caractéristiques de son identité. Et l’injonction au silence donne en partie le sens des miracles : Jésus ne les accomplit pas pour attirer les foules, mais pour manifester la Bonne Nouvelle, la puissance de Dieu qui vient au secours de notre humanité, de même que Jésus chasse les démons, pardonne les péchés, vient au secours du manque de foi de ses interlocuteurs.

Jésus aide ses disciples à comprendre qui il est

Ces demandes de silence sont une énigme pour les disciples. Jésus leur en donne la raison lorsqu’il leur adresse les deux dernières injonctions. Alors qu’ils sont en chemin vers Césarée (8,27-33), il leur demande : « Qui dites-vous que je suis ? » Pierre répond qu’il est le Messie. Alors, Jésus leur «commande sévèrement de ne parler de lui à personne.» Plus loin, après la Transfiguration (9,1-13), il leur recommande « de ne raconter à personne ce qu’ils ont vu, jusqu’à ce que le Fils de l’homme ressuscite d’entre les morts ». Jésus les aide à comprendre son identité, car ce sont eux qui auront à la révéler après sa résurrection. Pendant la première partie de l’évangile, Jésus annonce son destin et y prépare ses disciples. À Césarée et à la Transfiguration, il les prépare à expérimenter à sa suite les étapes de sa Passion et veut purifier leur connaissance de son identité.

Après la Résurrection, ils pourront tout dire

Dès lors, les ordres de silence n’ont plus lieu d’être et s’arrêtent au chapitre 9. L’ordre de silence émis par Jésus en 8,30, complété par celui qu’il donne en 9,9, concerne ses titres (Messie en 8,29 et Fils de Dieu en 9,7). La demande de silence n’a plus besoin d’être formulée à nouveau, car elle est fermement et ouvertement expliquée par l’annonce de la Passion (8, 32). Enfin, le silence a un terme : en redescendant de la montagne après la Transfiguration, Jésus demande aux disciples de se taire jusqu’à sa résurrection. Ils pourront alors dévoiler ce qu’ils ont vu, entendu et expérimenté avec Jésus : il est bien le Christ attendu. Il leur faudra redéfinir ce titre, le détacher des idées triomphalistes de l’époque (on attendait un roi vainqueur et puissant) et le lier à un parcours passant par le rejet, la mort et la résurrection. Ils auront aussi à annoncer que Jésus est le Fils de Dieu : la voix divine l’a confirmé au baptême (1,11) et surtout à la Transfiguration, où, après avoir dit de nouveau : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé », la voix ajoute : « Écoutez-le ». Quand doivent-ils l’écouter ? Surtout quand il annonce sa Passion. Dieu proclame que cet homme,- acceptant de mourir avec le même effacement qu’il a montré au baptême -, est son Fils bien-aimé.

Sylvie de Vulpillières, professeur au Centre Sèvres (Facultés jésuites de Paris).

Enseignement à tirer . Jésus a usé de recommandations sévères et de conseils sages, afin que la guérison du lépreux soit un témoignage qui s’inscrive dans la reconnaissance de l’œuvre de Dieu :  » Va te montrer au prêtre.  » Mais l’heure de Jésus n’est pas venue car les hommes ont les yeux bouchés par ce qu’ils voient, ils sont aveuglés par l’apparence, c’est-à-dire par la guérison physique. C’est vrai qu’elle est merveilleuse et que la compassion du Sauveur pour l’infirmité des hommes est infinie. Mais il est avant tout Sauveur et le signe extérieur de sa Toute Puissance risque d’empêcher ses concitoyens d’aller plus loin que ce qu’ils voient. La Toute Puissance de l’amour de Dieu manifestée en Jésus-Christ, devra passer par la croix pour éclater à nos yeux.

La clé de la loi, la clé de la foi ou…, la clé de la Croix ?

 « Attention ne dis rien à personne »… parce que cela ne sert à rien de le dire. Personne au moment où Jésus fait ces miracles ne peut en comprendre la vraie raison, parce que personne, à ce moment, n’a la bonne clé de lecture.

En lisant avec la clé de la loi, nous comprendrons : « Les lépreux et les sourds sont punis. » Jésus dit : « C’est faux » : « Ses disciples l’interrogèrent : Rabbi, pourquoi cet homme est-il né aveugle ? Est-ce lui qui a péché ou bien ses parents ? Jésus répondit : Ni lui, ni ses parents. » ( Jean 9, 1-3)

En lisant avec la clé de la foi, nous comprendrons : « Il faut croire en Jésus faiseur de miracle. » Ce n’est pas dans ce Jésus là qu’il nous faut croire… La science aussi fait des miracles ; la médecine guérit la lèpre, fait entendre les sourds et parler les muets.

Effeta !

« Ouvre-toi. »…  « Ouvre-toi aux Ecritures. » Personne, au moment où Jésus fait des miracles, ne peut s’ouvrir complètement aux Ecritures, parce que les Ecritures sont incomplètes : elles se limitent alors à l’Ancien Testament. C’est donc dans le Nouveau, dans l’Evangile, qu’il faut chercher la raison de ce silence imposé.

La Transfiguration

. …, Jésus leur donna cet ordre : Ne parlez de cette vision à personne, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts. » (Matth. 17, 1-9)

La clé est dans cette Parole de Dieu :  » Avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts. ».

La résurrection d’entre les morts est l’élément qui manquait pour comprendre : « Ne dis rien à personne « .

Jésus ressuscité d’entre les morts, nous pouvons proclamer les miracles de Jésus, parce qu’il est désormais possible d’en comprendre le sens. Nous ne proclamerons plus le justicier ou le faiseur de miracles ; nous proclamons le rédempteur qui fait des miracles pour que nous croyions en sa puissance, en sa capacité  de sauver le monde. Quel est le plus important ? Remettre les péchés du paralysé ou le remettre sur ses jambes ?

« Qu’est-ce qui est le plus facile ? de dire au paralysé : tes péchés sont pardonnés, ou bien de dire : Lève-toi, prends ton brancard et marche. » (Marc 1, 9)

La croix, clé des miracles

Les miracles n’ont de sens que par la croix. Le vrai miracle, n’est pas la guérison des corps : le vrai miracle est la vie éternelle que  donne  Jésus à l’homme en mourant pour lui sur la croix. Les autres miracles prouvent qu’il en a la puissance.

La croix est la clé de tout, des Ecritures et du monde.

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