JESUS AVAIT IL DES FRERES ?

L’Esprit que vous avez reçu ne fait pas de vous des esclaves, des gens qui ont encore peur ; c’est un Esprit qui fait de vous des fils ; poussés par cet Esprit, nous crions vers le Père en l’appelant : « Abba ! » (Romains, 8, 14-30)

La réponse à cette question dépend de la recherche historique. Mais la foi de l’Eglise est d’un autre ordre : elle affirme la naissance absolument singulière de Jésus. En lui, Dieu crée une humanité nouvelle, une humanité à l’image du Fils unique, une humanité de frères et de sœurs. Les chrétiens ont pris très vite l’habitude de s’appeler entre eux «frères». Ils montraient ainsi que les liens du sang, comme les liens sociaux ou religieux, étaient désormais dépassés et remplacés par un lien plus fort : la fraternité de tous en Jésus, le Christ ressuscité.

Point de vue historique

Dans l’évangile de Marc, on apprend au chapitre 6 que Jésus est mal reçu dans son village de Nazareth ; les gens s’étonnent de sa sagesse et des actes de puissance qu’il accomplit et plusieurs disent :  « N’est-il pas le charpentier, le fils de Marie et le frère de Jacques, de Josès, de Jude et de Simon, et ses sœurs ne sont-elles pas ici, chez nous » ? (Marc 6,3). En araméen, la langue que parlaient Jésus et ses proches, le terme de « frères » peut désigner soit les fils de la même mère, soit des parents très proches. Aussi a-t-on souvent considéré que le texte de Marc nommait de proches cousins de Jésus. Néanmoins en grec le mot employé est « frère », un autre mot désigne le cousin. Les historiens et exégètes sont divisés : certains chercheurs protestants et catholiques considèrent que les frères et sœurs de Jésus cités par Marc sont bien les fils de Marie ; d’autres, plus nombreux, pensent qu’il s’agit soit de fils et de filles d’un premier mariage de Joseph, soit de cousins et de cousines. Du point de vue de la science historique, la question reste ouverte.

Une naissance incomparable. Mais quoi que dise l’historien, il ne peut se prononcer sur ce qui fait la foi de l’Eglise : depuis qu’il y a des chrétiens, ils croient que la naissance de Jésus, fils « premier-né » de Marie, est absolument singulière. En cette femme, Marie, l’amour définitif de Dieu pour l’humanité a pris corps : Dieu est venu rejoindre les hommes. Jésus est Fils de Dieu et fils de l’homme, et sa naissance sans équivalent signe l’entrée de l’éternité de Dieu dans notre histoire. Cette réalité de la foi se dit dans la naissance virginale, qui affirme de Marie qu’elle a accueilli en elle, dans sa propre chair, le Fils de Dieu fait homme, donnant naissance à l’humanité nouvelle que Dieu recrée à partir d’elle.

Tous enfants d’un même Père. Si nous revenons maintenant aux récits évangéliques, nous remarquons que dans ce passage, de Marc, comme en 3, 32-34 ( voir aussi Matthieu 12, 46-50 ; Luc 8, 18 -21), Jésus prend ses distances par rapport à sa famille proche, pour se considérer comme appartenant à une famille beaucoup plus large : « quiconque fait la volonté de mon Père qui est dans le ciel, c’est lui mon frère et ma sœur et ma mère » (Matthieu 12, 50 ). Bien au-delà du groupe familial de Nazareth, sont désormais frères et sœurs de Jésus tous ceux qui écoutent la parole de Dieu et la mettent en pratique.

L’apôtre Paul montrera aux chrétiens de Galatie et de Rome qu’ils ont tous reçus l’Esprit du Christ qui est un esprit de filiation, un Esprit « qui nous fait crier « Abba, Père » ! Cet Esprit lui-même atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu ; enfants et donc héritiers, cohéritiers du Christ »( Romains 8,17). Paul ajoute que Dieu nous a appelés à devenir « conformes à l’image de son Fils,  pour que celui-ci devienne le premier-né d’une multitude de frères » (Romains 8,29). Par le baptême nous sommes devenus enfants de Dieu à la suite et à la manière du Christ : « En Jésus Christ, il n’y a plus ni juif, ni grec, ni esclave ni homme libre, il n’y a plus l’homme et la femme, tous vous êtes un » (Galates 3, 27). Tous frères et sœurs, car tous enfants du même Père ! Accueillons cette fraternité inouïe qui nous vient du Christ, et tentons de la mettre en œuvre !

Roselyne Dupont-Roc, bibliste, enseignante à l’Institut Catholique de Paris (1985-2011), Centre Intelligence de la Foi (CIF) www.jesuscatholique.fr