COMME LA CHARITE COMPREND EN SOI LES DONS                    

    DU SAINT ESPRIT

« Le Saint-Esprit qui habite en nous, voulant rendre notre âme souple, maniable et obéissante à ses divins mouvements et célestes inspirations, qui sont les lois de son amour, en l’observation desquelles consiste la félicité surnaturelle de cette vie présente, nous donne sept propriétés et perfections qui, en l’Écriture Sainte et dans les livres des théologiens, sont appelés dons du Saint-Esprit. Or, ils ne sont pas seulement inséparables de la charité, mais toutes choses bien considérées, et à proprement parler, ils sont les principales vertus, propriétés et qualités de la charité car : – la sagesse n’est autre chose en effet que l’amour qui savoure, goûte et expérimente combien Dieu est doux et suave ; – l’intelligence n’est autre chose que l’amour attentif à considérer et pénétrer la beauté des vérités de la foi, pour y connaître Dieu en lui-même, et puis, de là, en descendant, le considérer dans les créatures ; – la science, au contraire, n’est autre chose que le même amour qui nous tient attentifs à nous connaître nous-mêmes et les créatures, pour nous faire remonter à une plus parfaite connaissance du service que nous devons à Dieu ; – le conseil est aussi l’amour, en tant qu’il nous rend soigneux, attentifs et habiles pour bien choisir les moyens propres à servir Dieu saintement ; – la force est l’amour qui encourage et anime le cœur pour exécuter ce que le conseil a déterminé devoir être fait ; – la piété est l’amour qui adoucit le travail et nous fait cordialement, agréablement et d’une affection filiale employer aux œuvres qui plaisent à Dieu notre Père ; et – pour conclusion, la crainte n’est autre chose que l’amour en tant qu’il nous fait fuir et éviter ce qui est désagréable à la divine Majesté. Ainsi, la charité nous sera une autre échelle de Jacob, composée des sept dons du Saint- Esprit, comme autant d’échelons sacrés par lesquels les hommes angéliques monteront de la terre au ciel pour s’aller unir à la poitrine de Dieu tout-puissant, et descendront du ciel en terre (Genèse 28,12) pour venir prendre le prochain par la main et le conduire au ciel; car montant au premier échelon, la crainte nous fait quitter le mal ; au deuxième, la piété nous excite à vouloir faire le biens; au troisième, la science nous fait connaître le bien qu’il faut faire et le mal qu’il faut fuir; au quatrième, par la force nous prenons courage contre toutes les difficultés qu’il y a en notre entreprise; au cinquième, par le conseil nous choisissons les moyens propres à cela, au sixième, nous unissons notre entendement à Dieu pour voir et pénétrer les traits de son infinie beauté; et au septième, nous joignons notre volonté à Dieu, pour savourer et expérimenter les douceurs de son incompréhensible bonté, car sur le sommet de cette échelle, Dieu étant penché devers nous, nous donne le baiser, d’amour et nous fait téter les sacrées mamelles de sa suavité, meilleures que le vin(…) La charité comprend les sept dons et ressemble à une belle fleur de lis qui a six feuilles plus blanches que la neige, et au milieu les beaux martelets d’or de la sapience, qui poussent en nos cœurs les goûts et savourements amoureux de la bonté du Père notre créateur, de la miséricorde du Fils notre rédempteur, et de la suavité du Saint-Esprit notre sanctificateur. Et je mets ainsi cette double crainte aux deux degrés, pour accorder toutes les traductions avec la sainte et sacrée édition ordinaire: car, si en l’hébreu le mot de « crainte » est répété par deux fois, ce n’est pas sans mystère, ainsi pour montrer qu’il y a un don de crainte filiale qui n’est autre chose que le don de piété, et un don de la crainte servile qui est le commencement de tout notre acheminement à la souveraine sagesse. »

St François de Sales, Traité de l’amour de Dieu, Livre 11, chap. 15.