L’IMPORTANT CE N’EST PAS DE NE PAS TOMBER, MAIS DE NE PAS

RESTER PAR TERRE

Dialogue du Pape François  avec l’Institut San Carlo de Milan (4/4)

Marta Bucci (Mère de famille – Présidente du Conseil de l’Institut) – Votre Sainteté, nous avons eu la Grâce d’être parents, des vies précieuses à garder et aimer nous ont été confiées, pour cela nous remercions le Seigneur chaque jour, même si ce n’est pas toujours facile. A vous, comme aux parents, en ce jour de fête, nous voulons vous demander trois mots. Un mot pour nos petits, quand le soir nous les embrassons fort en tentant de leur faire oublier leurs peurs, quand ils se sentent sans défense et épouvantés parce que le monde dehors, en grandissant, devient toujours plus grand, quand ils nous demandent d’être rassurés et réconfortés parce qu’ils sont en train d’apprendre que tout ne finit pas toujours bien. Un mot pour nos jeunes, quand nous les voyons s’éveiller, souriant et mélancoliques, forts et faibles en même temps, quand, dans leur fastidieuse navigation entre bien des émotions, ils nous demandent de l’aide pour comprendre vraiment qui ils sont, quand ils ne voudraient pas tourner le dos mais sentent bien que leur cœur n’est pas si fort, quand ils voudraient bien regarder en haut vers le ciel mais ne sont pas aussi sûrs de leurs ailes. Et surtout un mot pour nous parents, quand nous devrons les laisser avancer seuls dans le monde, pour être capables de rester un pas en arrière, pour savoir comprendre leurs choix même s’ils sont différents de ceux que nous aurions imaginés, pour nous rappeler que tous les talents que nous avons protégés avec amour ne sont pas à nous, mais appartiennent à nos enfants et à l’humanité entière, pour réussir à leur inspirer le courage qui parfois nous a manqué, pour réussir à vaincre notre résignation et à les encourager à croire que l’on peut encore changer le monde.

Pape François – Merci à toi. Trois mots. Ce n’est pas facile. Tu as utilisé une très belle parole : « embrasser ». Avec les plus petits, la proximité. Rappelez-vous ce que j’ai dit plus tôt sur le pourquoi. Ils sont plus proches de l’âge du pourquoi, ils l’ont un peu dépassé mais ils ont besoin de la proximité du regard. Embrasser signifie proximité. Avec les petits : proximité. Parce qu’ils ont aussi besoin d’un guide plus proche, afin de ne pas tomber, ou au moins ne pas glisser, choses qui arrivent aux personnes qui marchent.

Pour les jeunes, je dirais le contraire : les encourager à aller de l’avant, à marcher, pas seuls, toujours en groupe. Avec les petits, par la proximité tu chercherais à ce qu’ils ne tombent pas ; avec les jeunes, les laisser tomber, afin qu’ils apprennent, mais nous savons bien que la chute n’est pas un échec. C’est l’épreuve de la vie. Ensuite parler, les aider à se relever. Il y a une chanson montagnarde qui me parle beaucoup. Vous qui êtes de cette région, peut-être la connaissez-vous : « Dans l’art de grimper, l’important n’est pas de ne pas tomber, mais de ne pas rester par terre ». Enseignez ce geste. Il est permis de regarder un autre de haut seulement afin de l’aider à se relever ! Hormis cela, regarder de haut n’est pas permis, jamais ! Mais dans ce moment, c’est permis. Vous les jeunes, marchez, pas seuls, mais en groupe. Il y a un dicton fameux : « Si tu veux aller vite et arriver le premier, va seul. Si tu veux avancer sûrement, va en groupe ». Toujours la communauté, toujours le groupe, les amis, qui se soutiennent mutuellement.

Ensuite, pour vous les parents il y a une parole que les psychologues utilisent beaucoup, aussi pour vous éducateurs. C’est l’expérience du dernier jour, quand les jeunes partent définitivement : « le syndrome du nid vide ». Vous les parents et les éducateurs, n’ayez pas peur de la solitude ! C’est une solitude féconde. Pensez à tous ces enfants qui sont en train de grandir et de faire d’autres nids, culturels, scientifiques, de communion politique, sociale. Avec les petits, proximité, pour les aider à marcher, afin qu’ils ne tombent pas ; avec les jeunes, les pousser à aller de l’avant et s’ils tombent, les aider à se relever… et vous [parents], vous avez cette plainte nostalgique mais belle du « nid vide » ; prenez des forces pour aller de l’avant, parce que le nid de la famille se remplira avec les petits enfants ; et pour vous éducateurs, il se remplira avec les autres qui arrivent. Merci beaucoup pour ce que vous faites. Maintenant je vous invite à prier ensemble les uns pour les autres et à prier également pour moi, parce qu’au travail il y a toujours des difficultés, chacun a les siennes.

Traduction de Zenit, Hugues de Warren                                                                                                                                                                 09.04.19 Pape François